De l’histoire personnelle à la quête de sens : réinventez votre narration pour éveiller votre puissance intérieure

Pourquoi avons-nous tant besoin de donner du sens à notre histoire ?

Dès l’enfance, nous cherchons à donner du sens à ce que nous vivons. Pourquoi certains événements nous marquent-ils plus que d’autres ? Pourquoi certaines blessures émotionnelles semblent-elles nous poursuivre malgré les années ?

En psychologie, nous savons que l’être humain ne peut se contenter d’un passé "sans cause". Nous tissons des récits pour justifier nos épreuves, nous nous construisons une histoire qui nous sécurise. Mais cette histoire est-elle fidèle à la réalité ou n’est-elle qu’une création de notre ego pour survivre ?

Il existe un besoin fondamental inscrit au cœur de l’expérience humaine : donner du sens à ce que nous traversons. Lorsque la douleur surgit, lorsqu’un événement bouleverse nos repères, nous cherchons à comprendre. Car ce qui rend la souffrance insupportable, ce n’est pas tant l’épreuve elle-même, mais l’idée qu’elle puisse être absurde, dénuée de signification.

Alors, nous nous racontons une histoire. Une histoire qui relie le passé et le présent, qui donne une cohérence à notre parcours et nous permet de continuer à avancer. Nous bâtissons notre identité sur cette narration, parfois douloureuse, mais structurante.

Mais à mesure que nous avançons sur notre chemin intérieur, une autre question émerge :

• Et si cette histoire n’était qu’une version parmi d’autres ?
• Et si elle n’était qu’un tremplin vers une conscience plus vaste ?

Nous avons tous une manière singulière de donner du sens à notre vie. Certains inscrivent leur parcours dans une lignée familiale, reliant leur destinée à celles des générations passées. D’autres perçoivent des résonances plus subtiles, parfois à travers la mémoire cellulaire, la résonance karmique ou l’influence des conditionnements inconscients.

Mais il est essentiel de comprendre que cette histoire, aussi cohérente soit-elle, est une création. Elle est issue de nos perceptions, de nos filtres émotionnels et de notre besoin d’unité intérieure.

Le récit personnel évolue, se transforme avec le temps et la thérapie. Ce qui nous paraissait injuste à vingt ans peut devenir, à quarante ans, un élément clé de notre transformation.

Pourtant, nous nous attachons à cette version des faits, car elle soutient l’intégrité du moi. Elle légitime nos choix, nos blessures, nos victoires. Elle nous définit.

Mais jusqu’à quel point cette histoire est-elle un tremplin, et à partir de quel moment devient-elle une cage ?

Lorsque nous nous engageons dans un travail thérapeutique profond, un moment survient où l’histoire que nous nous sommes racontée commence à se fissurer.

Ce que nous prenions pour des certitudes se révèle être des interprétations.
Ce que nous pensions être figé devient mouvant.
Une nouvelle perspective s’ouvre :

Et si nous n’étions pas seulement ce récit ?

C’est ici que la psychologie transpersonnelle intervient.

Là où la thérapie classique aide à reconstruire un moi stable, la démarche transpersonnelle invite à dépasser le moi. Elle ne rejette pas l’histoire individuelle, mais l’intègre dans une conscience plus vaste, où l’identité ne se limite plus à une biographie personnelle, mais devient une expression du Tout.

Ce passage est vertigineux. Il remet en question les fondations mêmes de notre perception et nous pousse à nous ouvrir à une expérience qui dépasse le cadre de l’individualité.

Lorsque nous choisissons d’explorer nos ombres, de revisiter nos croyances et de réécrire notre histoire, nous ouvrons la porte à une transformation profonde et durable.

Pour accéder à cette ouverture vers une conscience élargie, plusieurs approches transformatrices peuvent être explorées. Elles permettent de revisiter l’histoire que nous nous racontons sur nous-mêmes et de la réécrire avec plus de justesse, de clarté et de liberté.

Dans ma pratique profesionnelle, j'aime combiner les outils de pratiques narratives avec les approches psycho-spirituelles. Suivant la façon dont on s'en sert dans la thérapie, ces outils offrent une véritable transition progressive du moi personnel vers une vision transpersonnelle de soi.

Nous ne sommes alors plus simplement les témoins passifs de notre histoire ; nous devenons ainsi les créateurs conscients de notre propre narration intérieure.

Alors oui, c’est un passage délicat, car il met à nu l’illusion du moi. Il nous rend plus vulnérables à l’altérité, plus conscients de l’interconnexion de toutes choses. Mais là où nous cherchions un sens personnel, nous commençons à percevoir un sens collectif voire une reliance holotropique (reliance à la Totalité) comme dirait S. Grof. 

Les pratiques narratives sont des outils puissants pour revisiter la manière dont nous nous percevons à travers notre propre histoire. Elles permettent d'identifier les récits dominants qui influencent notre vie et de les déconstruire pour créer un récit plus authentique et libérateur.

• L’externalisation du problème : se détacher des récits enfermants

L’externalisation est une technique issue des thérapies narratives (Michael White & David Epston) qui consiste à dissocier une personne de son problème. Plutôt que de dire "je suis anxieux", on dirait par exemple "l’anxiété a pris une place importante dans ma vie".

Exemple : une personne qui se définit depuis toujours comme "incapable de réussir" pourrait travailler sur la manière dont ce récit s’est installé dans sa vie, puis explorer comment elle pourrait réécrire son histoire en intégrant les moments où elle a fait preuve de courage et de résilience.

• Le recadrage biographique : explorer les moments oubliés de son histoire

Nous avons tendance à filtrer notre vécu à travers une histoire dominante, souvent influencée par la douleur ou les croyances limitantes. Le recadrage biographique consiste à identifier les événements positifs, les forces cachées et les ressources que nous avons déployées mais que nous avons minimisées.

Exemple : une personne qui s’est toujours raconté qu’elle "n’a jamais été soutenue" peut, en revisitant son histoire sous un autre prisme, se souvenir de figures bienveillantes qui l’ont encouragée à des moments-clés, lui permettant ainsi de réévaluer son sentiment de solitude.

• La réécriture symbolique : créer un nouveau chapitre à son histoire

La réécriture symbolique est une approche qui consiste à réinterpréter son parcours en intégrant de nouveaux éléments, comme on le ferait avec un roman dont on modifie le dénouement.

Exemple : une personne ayant vécu un abandon peut choisir de réécrire cette expérience en mettant en avant ce qu’elle en a tiré en termes de force et d’indépendance, plutôt que de s’identifier uniquement à la blessure de rejet.

• Le travail transgénérationnel : explorer les mémoires familiales et transgénérationnelles pour se libérer des schémas hérités via le génogramme. 

Exemple : une personne ayant des difficultés à se sentir légitime dans sa carrière peut découvrir, en explorant son arbre généalogique, que ses ancêtres ont vécu des injustices sociales ou des humiliations professionnelles, influençant inconsciemment sa propre posture.

• Le shadow work : confronter et intégrer nos parts d’ombre pour libérer les masques de notre narration.

Exemple : Une personne ayant grandi avec l’idée qu’elle devait être "parfaite" et ne jamais montrer de faiblesse peut découvrir, à travers le shadow work, que cette perfection cachait en réalité une peur du rejet héritée de l’enfance.

• La respiration holotropique : expérimenter des états élargis de conscience qui dissolvent les blocages inconscients et ouvrent à une compréhension plus vaste.

Exemple : Une séance de respiration holotropique peut faire émerger des souvenirs refoulés ou une connexion profonde à des émotions inexprimées, permettant ainsi de reconsidérer son parcours de vie sous un nouvel angle.

• Les rituels initiatiques : Activer des passages symboliques pour transformer son regard sur l’existence.

Exemple : Organiser un rituel de passage, comme un feu symbolique où l’on brûle des écrits représentant ses anciennes croyances limitantes, peut ancrer intérieurement un renouveau et une transformation profonde.

Maître Eckhart disait que la vie n’a pas d’autre sens que celui que nous sommes capables de lui donner.

La psychologie transpersonnelle ne cherche pas à imposer une signification unique, mais elle nous invite à élargir notre vision.

Elle nous pousse à voir nos blessures non plus comme des fatalités, mais comme des passages initiatiques.

Elle nous apprend à nous détacher des récits figés pour entrer dans une dynamique plus fluide, plus alignée avec le vivant.

Lorsque nous cessons d’être prisonniers de notre histoire, une autre forme de liberté apparaît.

Une liberté qui ne vient pas du rejet du passé, mais de son intégration dans une conscience plus vaste. Ce que nous avons vécu n’est plus un poids, mais un enseignement. Notre identité ne se limite plus à une somme d’expériences, mais devient une porte d’entrée vers quelque chose de plus grand.

Notre histoire nous façonne, elle nous accompagne, elle nous habite. Mais à quel moment devient-elle un cadre trop étroit, un récit figé qui limite notre mouvement intérieur ? 

Nous avons tous besoin de donner du sens à notre parcours, de tisser un fil entre hier et aujourd’hui pour avancer avec cohérence. Mais ce fil peut être fluide, évolutif, vibrant… à condition d’oser le revisiter, d’explorer ce qui nous échappe encore et d’élargir la trame du récit.

Passer du personnel au transpersonnel, c’est embrasser une vision plus vaste de soi, où l’histoire ne nous définit plus, mais nous guide vers une compréhension plus profonde de notre essence. C’est un passage qui demande de la conscience, du courage et une exploration sincère de ce qui nous constitue.

Grâce aux pratiques narratives, nous réécrivons notre histoire avec plus de justesse, en nous réappropriant le sens que nous voulons lui donner. À travers le shadow work, nous allons rencontrer ces parts oubliées de nous-mêmes, ces voix qui influencent notre narration en coulisses. Avec la respiration holotropique, nous élargissons notre perception, libérons ce qui était figé et laissons émerger des compréhensions au-delà du mental.

Ce voyage initiatique à la rencontre de soi, c’est une bascule. Il ne s’agit plus seulement de comprendre son passé, mais de l’intégrer différemment, de le transformer en un tremplin vers une conscience plus profonde.

Alors ... Si vous sentez que votre histoire vous appelle à un nouveau regard, si vous percevez l’invitation à aller plus loin, alors il est peut-être temps d’initier cette transformation.

Notre histoire ne nous limite pas.

Elle nous appelle à un autre niveau de conscience. 

Quelques éléments de bibliographie 

Ancelin Schützenberger A., " *Aïe, mes aïeux ! Liens transgénérationnels, secrets de famille, syndrome d'anniversaire", Desclée De Brouwer, 2015

Blin B., "Guérir l'ego, révéler l'être", Trédaniel, 2010

Jung C.G. , "L’âme et le soi - Renaissance et Individuation", Albin Michel

Tolle E., "Le pouvoir du moment présent", J'ai Lu, 2010

Welwood, John. "Le chemin de l’amour conscient : Oser l’intimité, un enjeu personnel et collectif". Souffle d’Or, Collection Chrysalide, 2010

Welwood, John. "Pour une psychologie de l’éveil". Traduit par Dominique Thomas, La Table Ronde, collection Les chemins de la sagesse, 2003

White Michael et Epston David. "Comprendre et pratiquer l'approche narrative. Concepts fondamentaux et cas expliqués". InterEditions, avril 2012